QUATRIEME PAROLE
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Jésus reste six heures sur la croix, depuis la troisième heure jusqu'à le neuvième heure, c'est-à-dire de neuf heures du matin à trois heures de l'après-midi.
Pendant les trois premières heures, il souffre de la part des homme qui manifestent, par cet acte odieux de la crucifixion, leur cruauté, la méchanceté de leur cœur et leur haine contre Dieu.
Durant les trois dernières heures (de midi à trois heures de l'après-midi, moment où le soleil brille de toute sa force) il y a des ténèbres sur tout le pays (Matthieu 27.45). Le ciel est fermé et Jésus souffre de la part du Dieu juste et saint, courroucé contre le péché. A ses indicibles souffrances physiques et morales dues à la haine de sa créature contre lui, s'ajoutent les souffrances infiniment plus grandes et douloureuses quand il porte nos péchés pour en subir le châtiment divin qui devrait être le nôtre pendant l'éternité.
Tu brilles à la croix, lorsqu'aux trois heures sombres
Qui, sur un monde aveugle, épaississaient les ombres,
L'homme parfait, le Fils du Dieu saint, du Dieu fort,
Traversa l'abandon, la colère et la mort.
Tu souffris, ô Jésus, Sauveur, Agneau, Victime !
Ton regard infini sonda l'immense abîme,
Et ton cœur infini, sous ce poids d'un moment,
Porta l'éternité de notre châtiment.
(H&C n°46)
Vers la neuvième heure, Jésus s'écria d'une forte voix :
"ELI, ELI, LAMASABACHTANI ?"
c'est-à-dire :
"MON DIEU, MON DIEU, POURQUOI M'AS-TU ABANDONNE ?"
(Matthieu 27.46).
Ces seules paroles que Jésus prononce pendant les heures ténébreuses, et à l'ouïe desquelles nous devrions tous rester silencieux pour adorer dans nos cœurs prosternés, nous font saisir quelque peu les profondeurs et l'intensité de la douleur infinie de Christ, qu'aucun mot du langage humain ne peut décrire. Il nous faut lire dans les Psaumes et dans les prophètes pour connaître en partie quelles ont été les pensées du Seigneur quand il fut abandonné de son Dieu :
"Je suis répandu comme de l'eau, et tous mes os se disjoignent ; mon cœur est comme de la cire, il est fondu au-dedans de mes entrailles" (Psaume 22.14).
"Un abîme appelle un autre abîme à la voix de tes cataractes : toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi" (Psaume 42.7).
"Les eaux me sont entrées jusque dans l'âme. Je suis enfoncé dans une boue profonde, et il n'y a pas où prendre pied : je suis entré dans la profondeur des eaux, et le courant me submerge" (Psaume 69.1-2).
"Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le cœur des mers, et le courant m'a entouré; toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi" (Jonas 2.4).
"Il a bandé son arc, et m'a placé comme un but pour la flèche. Il a fait entrer dans mes reins les flèches de son carquois" (Lamentations 3.12-13).
"Contemplez, et voyez s'il est une douleur comme ma douleur qui m'est survenue, à moi que l'Eternel a affligé au jour de l'ardeur de sa colère" (Lamentations 1.12).
Le ciel est alors fermé. Aucune réponse ne parvient à son cri douloureux.
Par obéissance à Dieu qui le mit à l'épreuve, Abraham offrit Isaac, son fils unique, en holocauste. Qui pourrait sonder la terrible douleur de ce père qui devait abandonner son fils unique et bien-aimé au sacrifice? On peut encore moins mesurer la douleur du cœur de Dieu lorsqu'il doit abandonner son propre Fils qu'il n'a pas épargné, celui qui était de toute éternité son nourrisson, ses délices tous les jours, toujours en joie devant lui (Proverbes 8.30-31).
Au moment où Abraham leva la main pour égorger son fils Isaac, l'Ange de l'Eternel lui cria des cieux : "Abraham ! Abraham ! N'étends pas ta main sur l'enfant et ne lui fais rien..." (Genèse 22.12). Mais aucune voix ne se fait entendre à Golgotha pour détourner l'épée qui frappe le Fils de Dieu. Les ténèbres sont sur tout le pays. Le ciel est obscur et fermé lorsqu'il s'écrie : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Aucune réponse ne parvient.
Ce n'était pas un ange parmi la multitude d'anges, mais "l'Ange de l'Eternel" qui cria des cieux à Abraham. Qui était l'Ange de l'Eternel ? Lorsqu'il apparut plus tard à Manoah, celui-ci lui demanda : "Quel est ton nom?" l'Ange de l'Eternel lui dit : "Pourquoi me demandes-tu mon nom? Il est MERVEILLEUX" (Juges 13.18). Le prophète Esaïe a écrit de Jésus : "On appellera son nom: MERVEILLEUX, Conseiller, Dieu fort..." (Esaïe 9.6). L'Ange de l'Eternel n'était nul autre que le Seigneur Jésus lui-même. Jésus cria du haut des cieux à Abraham de ne pas étendre sa main sur l'enfant, sachant que, quelque mille neuf cent ans plus tard, lui, le saint Fils de Dieu, ne serait pas épargné ! Si, pour Isaac, il y eut un substitut, un bélier retenu par les cornes, pour Jésus, il n'y a personne : Il est, lui, notre Substitut. Il se donne lui-même par amour pour nous. Celui qui n'a jamais commis de péché, est fait péché pour nous, en payant le salaire qui est la mort (Romains 6.23).
"Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"
Il peut poser cette question, car rien ne justifie l'abandon de son Dieu. Il n'a jamais cessé d'être parfait. Tout dans sa vie, sa marche, ses actes et ses paroles n'a été que perfection. Il a toujours été en parfaite communion avec son Père qu'il a glorifié dans sa vie, comme dans sa mort. Dieu avait déclaré publiquement : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai trouvé mon plaisir" (Matthieu 3.17). Jésus est le seul juste que la terre ait jamais porté, et David a dit : "Je n'ai jamais vu le juste abandonné" (Psaume 37.25).
Pourquoi donc Jésus est-il en ce moment abandonné de son Dieu ? Chacun des croyants peut répondre : "C'est pour moi, Seigneur". Mes péchés faisaient une absolue séparation entre le Dieu saint et moi. Mais en vertu du sacrifice de Christ qui, à la croix, a expié tous mes péchés, je suis pardonné, purifié, et je peux maintenant m'approcher de Dieu par la foi, étant réconcilié avec lui. Jésus est abandonné de son Dieu afin que nous, nous ne le soyons jamais. Le ciel a été fermé pour lui afin qu'il s'ouvre pour nous.
"Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"
A cette question suprême posée par le Seigneur Jésus sur la croix, pouvez-vous répondre, cher lecteur : "C'est pour moi, Seigneur !"
Pour toi, Jésus, la souffrance,
Les pleurs, la mort, l'abandon !
Et pour nous, la délivrance,
Le salut et le pardon !
(H&C n° 136)